Il y a longtemps que je n'avais pas dévoré un livre qui n'était pas un roman comme celui-là ! Mona Chollet, après un bref rappel historique sur la chasse aux sorcières, y dresse le tableau de notre société, de la place qui y est faite aux femmes, des rôles qui leur sont assignés... en grande partie hérités de cette histoire sombre. Les références culturelles littéraires et cinématographiques y sont nombreuses pour mon plus grand bonheur ! Les citations toujours appropriées ont résonné en moi. Un livre qui fait réfléchir, touche et m'a fait rire aussi parfois... Un livre qui ouvre de nouvelles perspectives sur le monde dans lequel on aimerait vivre.
Je ne peux pas résister à un petit florilège de citations !
« La physique moderne, écrit Starhawk, ne parle plus des atomes séparés et isolés d'une matière morte, mais de vagues de flux d'énergies, de probabilités, de phénomènes qui changent quand on les observe ; elle reconnaît ce que les chamans et les sorcières ont toujours su : que l'énergie et la matière ne sont pas des forces séparées mais des formes différentes de la même chose. »
« Je crois que la magie est de l'art, et que l'art est littéralement de la magie. L'art, comme la magie, consiste à manipuler les symboles, les mots ou les images pour produire des changements dans la conscience. En fait, jeter un sort, c'est simplement dire, manipuler les mots pour changer la conscience des gens, et c'est pourquoi je crois qu'un artiste ou un écrivain est ce qu'il y a de plus proche, dans le monde contemporain, d'un chaman. » (Alan Moore)
« Toutefois on peut présumer que, au départ, il existe chez chacun un désir ou un non-désir d'enfant – quel que soit le destin futur de ce désir ou de ce non-désir – et que, ensuite, nous l'étayons avec des arguments plus ou moins articulés. Cette disposition naît d'une alchimie complexe et mystérieuse, qui déjoue tous les préjugés. Ayant eu une enfance malheureuse, on pourra aspirer soit à la réparer symboliquement soit à arrêter les frais. D'un tempérament joyeux et optimiste, on pourra vouloir rester sans descendance ; dépressif, on pourra en souhaiter une. Impossible de prédire sur quelle case s'arrêtera la grande roue des affects à cet égard. « Une personne pourra vouloir devenir parent et une autre ne pas vouloir le devenir exactement pour les mêmes raisons : le désir de jouer un rôle, d'exercer une influence, de trouver son identité, de créer une intimité avec quelqu'un, la quête de plaisir ou d'immortalité », remarque Laurie Lisle. De plus, l'être humain est capable de grandes merveilles mais aussi d'horreurs insoutenables ; la vie est belle mais dure, mais belle, mais dure, mais belle, mais dure, etc., de sorte qu'il est pour le moins intrusif et présomptueux de juger à la place des autres s'ils veulent s'arrêter à « belle » ou à « dure » et choisir de la transmettre ou non.
« Peut-être nos parents nous communiquent-ils parfois des passions si violentes qu'elles ne laissent de la place pour rien d'autre – surtout quand eux-mêmes n'ont pas pu s'y adonner comme ils l'auraient voulu. »
« Chaque événement, chaque rencontre résonne avec les événements et les rencontres précédentes, en approfondit le sens. Les amitiés, les amours, les réflexions gagnent en amplitude, s'épanouissent, s'affinent, s'enrichissent. Le passage du temps procure la même impression que lors d'une marche en montagne, quand vous approchez du sommet et que vous commencez à pressentir le paysage que vous découvrirez de là-haut. Il n'y aura sans doute jamais de sommet, on mourra sans l'avoir atteint, mais la simple sensation de sa proximité est grisante. »
« Les années apportent un sentiment de démultiplication magnifiquement saisi par Gloria Steinem dans un passage de son livre Une révolution intérieure, écrit alors qu'elle approchait de la soixantaine. Elle évoque ses rencontres fugitives, à New York, dans les lieux familiers qu'elle arpente depuis des décennies, avec d'anciennes versions d'elle-même : « Elle ne peut pas me voir dans l'avenir, mais moi, je la vois très clairement. Elle me dépasse d'un pas pressé, inquiète à l'idée d'être en retard à un rendez-vous où elle n'a pas envie d'aller. Elle est assise à une table de restaurant et verse des larmes de rage en se disputant avec un amant qui n'est pas pour elle. Elle avance à grandes enjambées dans ma direction, vêtue des jeans et bottes en cuir lie-de-vin qu'elle a portés pendant une décennie, et je me souviens de la sensation exacte de ces bottes à mes pieds. […] Elle se précipite vers moi à la sortie d'une salle de conférences, parlant, riant, débordant d'optimisme. » Forte du temps qui a passé depuis, elle considère cet ancien soi avec des sentiments mélangés : « Longtemps, elle m'impatientait. Pourquoi perdait-elle tout ce temps ? Pourquoi était-elle avec cet homme ? À ce rendez-vous ? Pourquoi oubliait-elle de dire la chose la plus importante ? Pourquoi n'était-elle pas plus sage, plus productive, plus heureuse ? Mais, ces derniers temps, j'ai commencé à ressentir de la tendresse, une accumulation de larmes à l'arrière de ma gorge, quand je la voyais. Je me dis : « Elle fait de son mieux. Elle a survécu – et elle se donne tellement de mal. » Parfois, je voudrais pouvoir revenir en arrière et la prendre dans mes bras. »
« La force des stéréotypes et des préjugés peut avoir quelque chose de profondément démoralisant ; mais elle offre aussi une chance, celle de tracer de nouveaux chemins. Elle donne l'occasion de goûter aux joies de l'insolence, de l'aventure, de l'invention, et d'observer qui se déclare prêt à en être – en évitant de perdre son temps avec les autres. Elle invite à se montrer iconoclaste, au sens premier du terme, c'est-à-dire à briser les anciennes images et la malédiction qu'elles colportent."
La physique quantique « nous parle plutôt d'un monde où chaque mystère élucidé en fait surgir d'autres et où, selon toute vraisemblance, cette quête n'aura jamais de fin ; d'un monde où les objets ne sont pas séparés mais enchevêtrés les uns aux autres ; où l'on a d'ailleurs affaire plutôt à des flux d'énergie, à des processus, qu'à des objets à l'identité stable ; où la présence de l'observateur influe sur le déroulement de l'expérience ; où, loin de pouvoir s'accrocher à des règles immuables, on constate de l'irrégularité, de l'imprévisibilité, des « sauts » inexplicables. C'est tout cela qui fait dire à Starhawk que la physique moderne confimrme les intuitions des sorcières. Le physicien Bernard d'Espagnat que, compte tenu de la résistance à la connaissance ultime que semblent désormais présenter la matière et le monde, il n'est pas absurde de s'en remettre à l'art pour nous donner des aperçus fugitifs de ce qui échappera toujours à notre entendement »
« Le monde doit à nouveau être mis sens dessus dessous. » (Carolyn Merchant)