"You're so French !" est le résultat de la rencontre entre une blogueuse mode, Isabelle Thomas et une photographe, Frédérique Veysset (sorte de Garance Doré). Ayant lu une critique dithyrambique sur le blog de Deedee, je l'ai à peine feuilleté avant de l'acheter... Cruelle erreur ! "You're so French !" est un condensé de blog mode qui manque malheureusement de l'auto-dérision qui aurait pu le sauver. Pour citer Balibulle (citant elle-même André Comte-Sponville), "Prendre la mode trop au sérieux, que ce soit pour la louer ou la condamner, ce serait se tromper sur elle." Et c'est bien là où le bât blesse dans "You're so French !", livre atrocement sérieux et par conséquent extrêmement prétentieux. Il y a bien quelques tentatives d'humour : "on calme la paillette et le strass en les associant à des pièces sages (vous ne présentez pas les résultats du Loto le soir du réveillon)."
"Bien sûr, évitez le total look cuir. A moins que vous ne soyez le sosie d'Elvis Presley !" Ha. Ha. Ha.
Le but de "You're so French !" est de nous aider à acquérir cette fameuse élégance française, à trouver notre style en évitant les faux-pas. Je suis sympa, je vais vous éviter de faire la même erreur que moi (et débourser 25 euros). Le livre contient deux idées phares, martelées toutes les deux pages :
1° Avoir du style ce n'est pas suivre la mode mais se l'approprier
2° Il FAUT investir dans des pièces intemporelles de qualité (c'est-à-dire chères)
Je n'ai rien contre la première (si ce n'est qu'elle n'a rien de très novateur) mais la seconde me dérange beaucoup plus. Les marques citées dans ce livre sont complètement inabordables pour le commun des mortels dont je fais partie (Jimmy Choo, Louboutin, Burberry, Céline...)
Les filles, réveillez-vous, on n'est pas dans un épisode de "Sex in the City" !
A part ça, un autre écueil insupportable de ce bouquin, ce sont les vérités générales assenées à tout bout de champ : le seul modèle de ballerine toléré, "la ballerine très décolletée avec semelle ultrafine", les chaussettes dans des sandales ou mocassins ? "C'est joyeux et stylé" (je croyais qu'il vallait mieux éviter, à moins de s'appeler Michael). Il FAUT (impératif catégorique) acheter ses Tropéziennes chez Rondini. Il FAUT un pull V en cachemire... Bref, bien prise de tête et fatigant ! Ca donne vaguement l'impression que notre vie en dépend... Je me vois déjà devant mon miroir le matin : "J'ai associé un pantalon chino et un sweat... quelle faute de goût impardonnable, mon dieu, que vais-je devenir ?"
Petite digression, j'ai eu beaucoup de mal avec une petite phrase teintée de misogynie (de la part de femmes, c'est le comble...) au sujet du pantalon carotte, qui n'est peut-être pas de votre goût...ni de celui de votre homme ! Qu'est-ce qu'il vient faire ici celui-là ? J'avais cru comprendre qu'on pouvait être sexy sans tomber dans le look talons hauts mini jupe décolleté mais apparemment, il faut quand même prendre en compte les goûts de sa moitié... Oh, je suis méchante, Isabelle et Frédérique oeuvrent probablement pour la paix dans les foyers.
Autre bizarrerie, les interviews qui parsèment le livre... J'ignore comment les personnalités ont été choisies, pourquoi Alain Chamfort, pourquoi Bertrand Burgalat ?? (parce que c'est le producteur d'Alain Chamfort ??!) mais en tout cas, toutes ces interviews ont un point commun, elles sont admirablement creuses et répétitives (le leitmotiv de ce livre). Ma phrase préférée : "Après avoir croisé Vanessa Paradis, une Américaine m'a dit : "Comment cette fille sale peut-elle être une star ?" (Alexandra Senes, insaisissable ; une longueur d'avance. Reine du décloisonnement dans la presse ou ailleurs). Si vous avez compris ce que fait Alexandra Senes, n'hésitez-pas à laisser un commentaire !
J'ai bien aimé aussi celle de Marion Lalanne et Pierre-Alexis Hermet, les créateurs d'IRM Design (marque que j'avais découvert avec ce collier "corde d'escalade" - no comment) : "Comme Diane Krüger, à la fois chic et naturelle, qui prouve que les étrangères représentent parfois mieux la Française que les Françaises elles-mêmes."
Dans la même veine, la "fameuse" Yaya et son chèche, dont j'ignorais totalement l'existence et qui ressemble pour moi à une baba cool des années 70, est mentionnée à plusieurs reprises pour une raison obscure... Allez, je suis sympa, je mets le lien, si vous voulez un beau chèche à même pas 200 euros, ça vaut le coup ;-)
Le livre s'achève par un "petit tour de nos bonnes adresses à Paris" où trois adresses se battent en duel...
Bref, une grosse déception... Un livre élitiste et insipide, aussi pesant qu'une paire de Creepers, l'originalité en moins.
Je vais essayer de finir sur une note positive... J'ai quand même appris qu'avec l'état des ongles des mains, ce sont les chaussures que regardent les DRH lors des entretiens d'embauche. Moi qui avait la naïveté de croire qu'un entretien d'embauche visait à estimer si la personne postulant avait bien le profil pour l'emploi... Pas du tout ! A-t-elle une jolie manucure et des chaussures de bonne qualité ? Telle est la vraie question.
Et puis, restons positifs, vu la mauvaise qualité du papier, il est probablement recyclé (espérons).