Crédit photo : Romaric Cazaux
J'ai gâché presque toute ma vie à prétendre, à faire semblant, à passer à côté d'un bonheur pourtant à ma portée... Et tout ça pourquoi ? Par peur ! Peur d'être moi-même, peur du regard des autres, de leur jugement. La culture italo macho catho dans laquelle j'ai été élevé ne m'a pas aidé non plus. Et puis j'ai rencontré Silvio et grâce à lui j'ai enfin réussi à envoyer valser blocages et peurs. Nous avons choisi Venise pour vivre pleinement notre amour au crépuscule de notre vie... mais c'est toujours pareil, dès qu'on croit le saisir, le bonheur s'échappe... J'essaie de revoir le film de nos moments heureux ensemble mais une silhouette revient, celle de Mario, le serveur de notre restaurant préféré avec lequel nous avions fini par sympathiser... Un grossier vaudeville ! Et pourtant, j'ai joué mon rôle, l'amant trompé et meutri, à la perfection.
J'ai bu, beaucoup. Trop. Je me suis procuré une arme à feu. C'est plus simple qu'on n'imagine. Une vague idée de vengeance mêlée à un dégoût de moi-même n'augurait rien de bon. J'avais rendez-vous avec Sil, je suis arrivé alors que Mario était en train de lui parler, il gesticulait, le prévenant probablement que j"étais "au courant". Mais Sil ne l'écoute pas, il ne semble même pas le voir, il me regarde, moi et il sait. Il me connaît mieux que moi-même, il devine l'arme que je serre sous mon manteau et l'usage que je lui destine.
Ce regard... c'est comme si Silvio me disait ces mots : "Roberto, je sais ce que tu ressens mais je ne regrette rien, il faut bien mourir de toute façon et autant mourir de la main de mon amant, autant mourir d'une mort passionnelle même si la jalousie reste une raison stupide. Mario... Ce n'est rien. C'est toi que j'aime. Mais je comprends, je comprends et je te pardonne. Mais te pardonneras-tu un jour à toi-même ?"
"Roberto !"
L'impression d'émerger de très loin... à regret... Tout tangue. Une douleur lancinante me déchire le crâne. Un goût exécrable dans la bouche. Je suis allongé sur une surface dure et froide. Une baignoire. La douceur dans les gestes de Silvio. J'aperçois son visage aimant et aimé et dans un ultime délire lucide je me dis que j'ai envie de choisir une fin heureuse. Pour une fois.
Atelier d'écriture proposé par Leiloona