crédit photo : Romaric Cazaux
Malgré la douceur printanière, je porte un épais pardessus en laine. Mon corps est resté en hiver. Je marche, une cigarette à la main, je n'ai même pas la force de l'allumer. Soudain, une douleur dans ma poitrine me coupe le souffle, j'entends une sorte de râle rauque, comme un cochon qu'on égorge, et je mets un moment à comprendre qu'il vient de moi. Je me vois tomber sur l'asphalte au ralenti, par saccades. La main qui tenait la cigarette s'ouvre et je gis là, pantin au rictus figé. On dit qu'au moment de mourir, on voit sa vie défiler. Je n'y ai jamais cru. Pour moi, le passage de vie à trépas est instantané, comme la naissance mais en sens inverse.
J'étais sorti fumer une cigarette, j'inspirais l'air léger à pleins poumons, j'avais envie de faire des claquettes comme Gene Kelly dans "Chantons sous la pluie" ! Je me tenais devant la maternité, le coeur gonflé comme un ballon sur le point d'éclater, le visage dévoré par un sourire incontrôlable. Je sais que je suis en train de mourir et je sais maintenant qu'on nous accorde de revivre le plus beau moment de notre existence. Un homme voûté par le poids des années passe devant moi à pas comptés, une cigarette éteinte à la main. Il ne semble pas voir le briquet que je lui tends avec un sourire. Il continue d'avancer de sa démarche traînante, un peu spectrale. Je frissonne.
Atelier d'écriture proposé par Leiloona