Je n'avais pas été vraiment emballée par le précédent Jonathan Dee, "Les privilèges mais "La fabrique des illusions" a répondu à toutes mes attentes romanesques. Un style épuré qui en quelques mots nous plonge dans la frénésie new yorkaise ou la moiteur alanguie de la Virginie, des thèmes qui sont matière à réflexion (la pub, l'art...) et surtout l'épaisseur psychologique des personnages. Sans oublier une grande histoire d'amour !
J'ai pourtant eu du mal à rentrer dedans, le foisonnement de détails m'ennuyait un peu, mais quelques dizaines de pages ont suffi pour me faire oublier ce travers et j'étais avec Molly, puis John, puis Molly... à tel point qu'à chaque changement narratif je me sentais un peu coupée dans mon élan ! Oui, car la structure de la première partie nous présente les vies des deux personnages principaux en alternance jusqu'à ce que... Je n'en dis pas plus !
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que Jonathan Dee avait dû s'identifier à son personnage masculin et il a beau défendre de son mieux celui de Molly, je l'ai trouvée parfois agaçante... C'est peut-être ma jalousie féminine qui parle : trop belle, trop inconsciente de son charme, trop mystérieuse, trop trop trop... Mais j'ai bien aimé son côté évanescent, c'est une belle anti héroïne, sorte de cousine de "L'étranger" de Camus. Mais, si, je vous assure, j'ai d'autres références littéraires !
Palladio, l'agence de pub au centre de l'intrigue, m'a fascinée, me rappelant "Xanadu" dans Citizen Kane. Plus que sur l'art ou la consommation de masse, je me dis que finalement, Jonathan Dee s'est penché sur notre incommensurable solitude.
"Quand une chanson qu'on aimait - une chanson qu'on tenait à protéger, parce qu'on y entendait des subtilités que personne d'autre ne semblait capable d'entendre - était diffusé à la radio, c'était un événement, un petit don du ciel, une raison de croire aux bienfaits de l'attente, alors que le reste de la vie n'apportait rien qui puisse surprendre, rien qui donne foi dans les vertus du temps qui passe."
"C'était une de ces soirées comme on en connaît parfois, où tout semble aller bien et où une chambre fermée à clé paraît le cocon le plus douillet sur terre."
"Je me rappelle simplement avoir eu l'impression qu'Elaine portait une sorte de masque cette nuit-là, un masque qu'elle ne pouvait pas enlever, et que ce masque, c'était celui de son propre visage."
"Un peuple qui ne rêve pas n'accède jamais à la sincérité intérieure, car il n'y a que dans ses rêves que l'homme est réellement lui-même. Il n'y a que de ses rêves que l'homme est responsable - ses actes sont ce qu'il est obligé de faire."