crédit photo : Romaric Cazaux
La colline aux 333 virages... Au début, cela semblait drôle mais après en avoir compté une centaine, je me suis mis à avoir mal au coeur, besoin de sortir... J'ai claqué la portière et fait quelques pas chancelants sur le bas-côté. L'air frais me faisait tourner la tête. Je m'étais pris pour un aventurier, j'avais suivi Lola, sa jeunesse, son insouciance, sa beauté et je me retrouvais à suivre une route qui n'était pas la mienne.
Je repensais à ce soir où Lola était entrée dans ma vie. A sa manière, brusque et directe. Je buvais une bière après le travail en compagnie d'un ami et j'avais remarqué qu'une jeune femme m'observait. J'étais entré dans son jeu - le jeu sans conséquence de la séduction. Après une décennie en couple, je m'y sentais autorisé. Mon ami avait remarqué notre manège et me demanda des nouvelles de ma femme et de mes enfants. Remis sur le droit chemin, je me forçais à ignorer la mystérieuse inconnue mais lorsque je décidai de lui jeter un dernier regard, sa table était vide. Je me sentais bête, vaguement déçu. A ce moment, elle se matérialisa devant moi et me tendit un bout de papier en m'enveloppant de son regard velouté. "Si le coeur vous en dit." Son sourire étincelait. Sur le morceau de papier, un numéro de téléphone et son prénom : Lola.
Les jours qui suivirent, je fus incroyablement agité, je composais son numéro mais je n'arrivais pas à me résoudre à l'appeler. J'oscillais entre culpabilité, curiosité, excitation... Je me demandais ce qu'elle avait bien pu me trouver. Finalement, je me décidai, tentant de me convaincre que cela ne m'engageait à rien, c'était une connaissance comme une autre... La suite ne fut que trop prévisible. Lola devint ma maîtresse, me pressa de quitter ma femme ce que je ne pouvais me résoudre à faire et finalement, ce fut Aline qui me quitta, en découvrant ma liaison.
C'étaient nos premières vacances ensemble et je les avais imaginées différentes. Lola avait envie de parcourir les Pyrénées, il faisait froid et humide. Elle avait voulu prendre le volant, j'avais cédé, même si je détestais me laisser conduire. Je lui cédais toujours. Elle avait mis un CD d'une obscure chanteuse française et chantait à pleins poumons. Elle irradiait de jeunesse, d'énergie et je me sentais vieux et rabougri à ses côtés. Pas à ma place. Cette colline aux virages m'avait achevé. J'avais besoin d'air. Lola voulut m'accompagner, un air soucieux voila ses jolis traits mais je la rassurai : "Non, non, je sors juste prendre un peu l'air. Continue la route et arrête-toi dès que le bas-côté est un peu plus large. Je te rejoins. Ca me fera du bien de marcher..."
Lola acquiesca, c'était dangereux de s'arrêter dans un de ces virages en épingle. La voiture repartit, me laissant seul. Je me sentais épuisé, j'avais envie de pleurer. Je me forçai à marcher, mon coeur battait à grands coups irréguliers, mon côté hypocondriaque me rappela que j'aurais dû voir mon cardiologue avant de partir. J'inspirai à fond, m'efforçant de me calmer. Je pensais à Aline et aux enfants. Ils me manquaient. Ma passion pour Lola s'était éteinte au moment où Aline m'avait quitté. Je restais avec elle par lâcheté. Perdu au milieu de ces virages.
Atelier d'écriture proposé par Leiloona