crédit photo : Leiloona
L'illusion était presque parfaite. On aurait dit deux touristes, partageant un verre, le temps d'une pause, avant de poursuivre leur parcours calibré. Mais ils ne bougeaient pas, figés dans une pose qui devenait étrange, personnages de cire. Je les avais repérés au premier regard en pénétrant dans le pub. Ils me rappelaient mes parents.
Je repensais à ce jour où j'avais entrevu la vérité : mes parents n'étaient pas des êtres parfaits, ils étaient comme tout le monde avec leurs faiblesses, leurs défauts... Et pourtant, je m'étais laissée prendre de nouveau à cette illusion, remplaçant ce modèle par un autre, tout aussi faillible. Et encore plus douloureux lorsqu'il vole en éclats. Je me retrouvais à errer dans les pubs londoniens, noyant mon chagrin dans la Guinness. Je m'installai à la table voisine du couple. Derrière leurs sourires, il me semblait déceler une peine profonde, leurs gestes étaient lents, imprégnés d'un chagrin trop lourd à porter.
Je buvais ma bière à grandes gorgées, cherchant en vain un peu de fraîcheur. Après des jours entiers de pluie monotone, la canicule écrasait le bitume et les parcs de sa blancheur aveuglante. Les pubs obscurs étaient devenus mon refuge, je fuyais les amoureux lascifs qui semblaient se multiplier à l'infini. Je leur présageais à tous un funeste destin, je devenais aigrie.
J'entendais des bribes de conversation du couple. Ils chuchotaient en Allemand, mes souvenirs de lycée me permirent de comprendre qu'ils étaient à la recherche de leur fille, disparue à Londres. Je pensais à mes parents, à leur tristesse lorsque je leur avais annoncé la trahison de l'homme que j'aimais. Je souhaitai de tout mon coeur à ce couple de retrouver leur fille. Et pour la première fois, je me dis que je retrouverais l'amour un jour, que cela prendrait le temps qu'il faudrait. Et que ce n'était pas si grave.
Atelier d'écriture proposé par Leiloona